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Fermeture administrative et disproportion manifeste de la durée de fermeture

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    remy PHILIPPOT
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Dans cette affaire, le juge des référés du TA VERSAILLES retient qu'en l'état de l'instruction, le moyen tiré de la durée manifestement disproportionnée de la fermeture prononcée (3 mois) est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en litige.


Pour rappel Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation sur la durée de la fermeture des débits de boissons et des restaurants ordonnée par le préfet sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique.


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Tribunal administratif de Versailles, 19 août 2025, 2508683


 : Par une requête et des pièces enregistrée les 25 juillet 2025 et 12 août 2025, la société par actions simplifiée (SAS) CATG, représentée par Me Boulay, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 9 juin 2025 par lequel la préfète de l'Essonne a ordonné la fermeture pour une durée de trois mois de l'établissement " La Suite ", situé rue du Chenet, zone d'activité commerciale à Milly-la-Forêt, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la condition d'urgence est remplie compte tenu des charges fixes qu'elle doit continuer d'assumer durant la période de fermeture, notamment la charge de 14 salariés, alors qu'elle a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 30 juin 2025 ; - des moyens sont propres à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté qui est insuffisamment motivé et entaché d'erreurs de fait et d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où les incidents qu'il mentionne sont dépourvus de lien avec les conditions d'exploitation ou la fréquentation de l'établissement ; en outre, la durée de 3 mois de la fermeture administrative prononcée porte une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre. Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2025, la préfète de l'Essonne conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que la condition d'urgence n'est pas remplie et les moyens non fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ; - la requête enregistrée le 24 juillet 2025 sous le n° 2508720 par laquelle la société CATG demande l'annulation de l'arrêté du 9 juin 2025 de la préfète de l'Essonne. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. La présidente du tribunal a désigné Mme Amar-Cid pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique tenue le 12 août 2025 à 14h00, en présence de M. Rion, greffier d'audience, Mme Amar-Cid a lu son rapport et entendu les observations de Me Boulay, représentant la société CATG qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et ajoute que :

- il s'est également constitué dans ce dossier au nom de Me Ancel, mandataire judiciaire de la société CTAG dans le cadre de la procédure de redressement, compte tenu des incidences de la mesure contestée sur la pérennité de l'entreprise aux termes de la période d'observation de 6 mois fixée par le tribunal de commerce ;

- la situation d'urgence résulte également de ce qu'une période de fermeture de trois mois entraine une déperdition définitive de clientèle ;

- l'extrait de compte bancaire produit montre que le solde de celui-ci était de plus de 23 000 euros au 30 juin 2025 et n'est plus que d'environ 1 000 euros au 11 août 2025, compte tenu des charges fixes, notamment les salaires ;

- les difficultés financières et administratives de la société sont le fait de la " gérance de fait " de M. A qui vient de se voir interdire par le juge aux affaires familiales de paraitre au restaurant " La Suite " et d'entrer en relation avec Mme Moreira Da Cunha, présidente de la société qui a repris la direction effective de l'établissement depuis le jugement du tribunal de commerce. La préfète de l'Essonne n'était ni présente ni représentée. La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience, à 14h27.

Considérant ce qui suit

 : 1. Par un arrêté notifié le 21 juillet 2025, la préfète de l'Essonne a prononcé la fermeture administrative à compter de cette date pour une durée de trois mois de l'établissement " La Suite ", situé rue du Chenet à Milly-la-Forêt. Par la présente requête, la société CATG qui exploite ce restaurant demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet arrêté jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Sur les conclusions à fin de suspension :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " et aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 dudit code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit () justifier de l'urgence de l'affaire. "

3. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. [] 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois [] 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation "

. 5. Ces dispositions du code la santé publique confèrent au préfet le pouvoir d'ordonner, au titre de ses pouvoirs de police, les mesures de fermeture d'un établissement qu'appelle la prévention de la continuation ou du retour de désordres liés à son fonctionnement. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation sur la durée de la fermeture des débits de boissons et des restaurants ordonnée par le préfet sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique.

6. Pour justifier d'une situation d'urgence, la société CATG fait valoir qu'elle a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce d'Evry du 30 juin 2025, ce qu'elle établit en versant au dossier la note que lui a adressée le mandataire judiciaire désigné par le tribunal dans le cadre de cette procédure et qui peut aisément être vérifié en consultant l'annonce publiée au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), librement accessible sur internet. Le placement de la société en redressement judiciaire suppose, aux termes de l'article L. 631-1 du code de commerce, que l'intéressée est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, c'est-à-dire qu'elle se trouve en état de cessation des paiements, et ce en l'espèce depuis le 30 décembre 2023 d'après l'annonce publiée au BODACC. Il résulte également de l'instruction, notamment des documents bancaires et pièces justificatives produits, que pendant la période de fermeture la société CATG doit continuer d'honorer des charges fixes, dont la rémunération de 10 salariés et les échéances de remboursement d'un prêt bancaire. Dans ces conditions et alors même que la société ne produit pas de document permettant d'avoir une vision détaillée de sa situation comptable, elle justifie que l'arrêté contesté, qui prononce une fermeture d'une durée de trois mois au cours de la période d'observation de six mois fixée par le tribunal de commerce pour établir un plan de redressement, est de nature à compromettre gravement son équilibre financier et sa pérennité et préjudicie donc de manière grave et immédiate à ses intérêts économiques et financiers, caractérisant ainsi une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

7. En outre, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de la durée manifestement disproportionnée de la fermeture prononcée est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en litige.

8. Par suite, il y a lieu de prononcer la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la société CATG.

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de l'arrêté de la préfète de l'Essonne ordonnant la fermeture administrative pour une durée de trois mois de l'établissement " La Suite " est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision. Article 2 : L'Etat versera à la société CATG une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société CATG et à la préfète de l'Essonne. Fait à Versailles, le 19 août 2025. La juge des référés, Signé J. Amar-Cid La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


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