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IEF et justification du projet pédagogique

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    remy PHILIPPOT
  • 10 juil.
  • 20 min de lecture
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Dans cette ordonnance du TA de Pau rendue sur référé suspension, le juge décide que:


"17. Il résulte de l'instruction que Mme G et M. C ont produit un projet pédagogique qui présente de manière étayée la situation particulière et les besoins propres de chacun de leur enfant, motivant dans leur intérêt le projet éducatif proposé. La rectrice de l'académie de Bordeaux qui ne conteste pas par ailleurs les points 1, 2, 3 et 4 exigés au a du 1° de l'article R. 131-11-5 du code de l'éducation et notamment le contenu des projets éducatifs présentés, n'apporte pas en défense, d'éléments permettant de dire que ces projets ne seraient pas élaborés conformément à l'intérêt supérieur des enfants et se borne à faire valoir que les besoins physiologiques de A et de B peuvent être pris en charge dans le cadre d'une scolarisation et que de nombreux enfants connaissent des difficulté liées au sommeil ou à une sensibilité particulières qui sont prises en compte au sein des établissements scolaires.

Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision attaquée au motif que l'instruction dans la famille, sur la base du projet pédagogique produit comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage des enfants, est la plus conforme à l'intérêt des enfants des requérants, est dans les circonstances de l'espèce, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions en litige"


D'où l'intérêt de prendre un soin particulier à la rédaction du projet pédagogique.





Tribunal administratif de Pau, 15 octobre 2024, 2402446


Vu la procédure suivante

 

I. Par une requête enregistrée le 23 septembre 2024, sous le n° 2402446, Mme H G et M. E C, représentés par Me Romazzotti, demandent au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) d'admettre Mme G et M. C, à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 19 juillet 2024 par laquelle la commission de l'académie de Bordeaux a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la décision du directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Atlantiques du 10 juin 2024, portant refus d'autorisation d'instruction dans la famille de leur fille A, née le 23 juillet 2019, pour l'année scolaire 2024-2025 ; 3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Bordeaux de leur délivrer sans délai une autorisation d'instruction en famille de leur fille sur le fondement du 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation dans l'attente du jugement au fond ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est remplie ; - le refus d'examen du référé au motif qu'il n'y a pas urgence porterait une atteinte disproportionnée au droit au recours effectif ;

Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige :

- elle est entachée d'un vice d'incompétence, faute de justification d'une délégation de signature régulière ;

- elle a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que la commission académique était irrégulièrement composée et qu'aucun élément du dossier ne permet de justifier que la Commission se serait valablement réunie dans les délais fixés par le code ;

- elle est insuffisamment motivée car il n'est pas fait état de l'argumentation développée au sein du recours administratif préalable obligatoire qui expliquait et démontrait de manière construite et précise le projet développé et les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de convocation à un entretien pour apprécier le cas échéant la situation de l'enfant ; -

en refusant l'instruction en famille sans tenir compte des antécédents au sein de cette même famille, l'académie crée une situation de rupture d'égalité et une situation de discrimination alors qu'en l'espèce, le projet pédagogique produit associé au recours formé démontrent l'existence d'une situation propre à leur fille qui est en capacité d'acquérir un socle de connaissances comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés à ses capacités et son rythme d'apprentissage ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, en ce qu'elle se fonde sur l'absence de justification d'une situation particulière ; l'académie a excédé les critères d'appréciation prévus à l'article L. 131-5 du code de l'éducation ; les RAPO formés sont détaillés et adaptés à chacun des enfants ; - elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation du bien-fondé de la demande et de l'existence d'une situation propre à l'enfant ; l'administration n'a pas pris en compte les éléments démontrés au sein du projet pédagogique déposée par la famille qui s'adapte à la personnalité de leur fille, à ses besoins en fonction de leur progression et du moment de la journée ;

- elle a méconnu l'intérêt de l'enfant. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2024, la rectrice de l'académie de Bordeaux conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la condition d'urgence n'est pas satisfaite ; les requérants n'établissent pas en quoi la scolarisation de leur fille dans un établissement d'enseignement public ou privé serait de nature à compromettre gravement son intérêt ; en matière de scolarisation, la seule proximité de la rentrée scolaire ne suffit pas à établir une telle urgence ; au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, l'environnement scolaire est un environnement protégé ; les requérants n'apportent pas d'élément probant qui établirait que A ne serait pas préparée à intégrer un établissement scolaire d'autant qu'elle a été scolarisée au titre de l'année scolaire 2023-2024 et qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que cette année scolaire aurait eu des conséquences psychologiques néfastes sur elle ; ils n'établissent pas la réalité du trouble énurésique de leur fille, ni de son lien avec la scolarisation ; la décision de rejet du directeur académique a été notifiée aux requérants le 10 juin 2024 et ils ne peuvent faire valoir qu'ils ne disposaient pas d'un délai raisonnable pour mettre en place les conditions nécessaires à la scolarisation de leur enfant dans un établissement scolaire ; la famille conserve le libre choix de l'établissement dans lequel elle souhaite inscrire ses enfants et qui, en l'espèce, sont inscrits dans un établissement privé ; l'intérêt supérieur justifie que l'enfant soit scolarisé dans un établissement scolaire et un intérêt public justifie que la condition d'urgence soit écartée. Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision : - c'est à bon droit que le directeur académique des services de l'éducation nationale a refusé d'autoriser les parents à instruire leur fille dans la famille à compter de 2024 dès lors que la situation propre à l'enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille n'est justifié par aucun élément du dossier et que leur fille ne présente pas de besoins particuliers qui justifieraient que soit dérogé au principe de l'instruction au sein d'un établissement d'enseignement ; l'intérêt supérieur de l'enfant justifie sa scolarisation dans un établissement public ou privé d'autant que l'école de la nature de Baliros dans laquelle elle a déjà été scolarisée propose une pédagogie qui semble adaptée à A ; - aucun des autres moyens soulevés n'est fondé. II. Par une requête enregistrée le 23 septembre 2024 et des pièces complémentaires enregistrées le 8 octobre 2024, sous le n° 2402447, Mme H G et M. E C, représentés par Me Romazzotti, demandent au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) d'admettre Mme G et M. C, à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 19 juillet 2024 par laquelle la commission de l'académie de Bordeaux a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la décision du directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Atlantiques du 10 juin 2024, portant refus d'autorisation d'instruction dans la famille de leur fils B, né le 21 octobre 2021, pour l'année scolaire 2024-2025 ; 3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Bordeaux de leur délivrer sans délai une autorisation d'instruction en famille de leur fils sur le fondement du 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation dans l'attente du jugement au fond ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ils se prévalent des mêmes moyens que ceux développés au soutien de la requête n° 2402446 en indiquant s'agissant de la situation propre de B, jeune frère de A, qu'ils ont indiqué qu'ils souhaitent mettre en place un projet pédagogique spécifique comme celui de sa sœur ainée avec des règles définies pour asseoir sa sécurisation, B, âgé de 2 ans et demi n'étant pas encore prêt à intégrer un établissement scolaire ; les adaptations mises en place par la famille pour adapter sa scolarité en fonction de ses besoins ne pourraient pas lui être offerts dans un parcours scolaire classique et constitue une situation propre à l'enfant de nature à justifier une autorisation d'instruction à domicile. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 7 et 8 octobre 2024, la rectrice de l'académie de Bordeaux conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - la condition d'urgence n'est pas satisfaite ; les requérants n'établissent pas en quoi la scolarisation de leur fils dans un établissement d'enseignement public ou privé serait de nature à compromettre gravement son intérêt ; au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, l'environnement scolaire est un environnement protégé ; les requérants n'apportent pas d'élément probant qui établirait que B ne serait pas préparé à intégrer un établissement scolaire ; l'année scolaire 2024-2025 étant la première au titre de laquelle B est soumis à l'obligation scolaire, sa situation ne diffère pas de celle de tous les enfants de son âge ; la décision de rejet du directeur académique a été notifiée aux requérants le 10 juin 2024 et ils ne peuvent faire valoir qu'ils ne disposaient pas d'un délai raisonnable pour mettre en place les conditions nécessaires à la scolarisation de leur enfant dans un établissement scolaire ; la famille conserve le libre choix de l'établissement dans lequel elle souhaite inscrire ses enfants et il lui est loisible de les inscrire dans un établissement privé dont les méthodes sont plus proches de celles envisagées dans le cadre de son projet éducatif ; en l'espèce, les enfants sont inscrits dans un établissement privé ; l'intérêt supérieur justifie que l'enfant soit scolarisé dans un établissement scolaire et un intérêt public justifie que la condition d'urgence soit écartée. Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision : - c'est à bon droit que le directeur académique des services de l'éducation nationale a refusé d'autoriser les parents à instruire leur fils dans la famille à compter de 2024 dès lors que la situation propre à l'enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille n'est justifié par aucun élément du dossier et que leur fils ne présente pas de besoins particuliers qui justifieraient que soit dérogé au principe de l'instruction au sein d'un établissement d'enseignement ; l'intérêt supérieur de l'enfant justifie sa scolarisation dans un établissement public ou privé ; le certificat médical produit établit postérieurement à la décision, n'atteste aucunement que l'état de santé de B serait incompatible avec une scolarisation ; de plus, le médecin signataire de ce certificat n'est pas identifiable, sa trame étant rayée ; ce certificat ne fait qu'affirmer que B présente des " troubles d'adaptation scolaire " qui nécessitent une sociabilisation plus progressive. Si l'état de santé de B justifie l'octroi d'une autorisation d'IEF, la famille pourra, sans condition de délai, formuler une demande en ce sens (motif 1° de l'article L.131-5 du code de l'éducation). - aucun des autres moyens soulevés n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ; - les requêtes enregistrées le 23 septembre 2024 sous les n° 242443 et 242444 par lesquelles Mme G et M. C demandent l'annulation des décisions du 19 juillet 2024 par lesquelles la commission de l'académie de Bordeaux a confirmé le rejet de leurs demandes d'autorisation d'instruction à domicile de leurs enfants. Vu : - le code de l'éducation ; - la décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 ; - la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ; - le code de justice administrative. La présidente du tribunal a désigné Mme Madelaigue pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique du 8 octobre 2024 à 15h30 : - le rapport de Mme Madelaigue, juge des référés, - les observations de Me Romazzotti pour Mme G et M. C, qui reprend les moyens de la requête ; - les observations de Mme G et M. C ; - les observations de M. D, représentant la rectrice de l'académie de Bordeaux, qui persiste dans ses écritures en défense et indique que l'instruction en famille est une dérogation à la règle générale de scolarisation en établissement et qu'en l'espèce, il n'est pas démontré qu'une scolarisation présenterait un danger pour A dont la scolarisation à l'école de la nature de Baliros n'a pas montré de perturbation et pour B qui fera sa première année dans cette école, et pour lequel le certificat médical produit n'atteste aucunement que son état de santé serait incompatible avec une scolarisation. La clôture de l'instruction a eu lieu à l'issue de l'audience, en application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative. Considérant ce qui suit :

1. Le 31 mai 2024, Mme G et M. C ont adressé à l'inspectrice d'académie de Bordeaux une demande d'autorisation d'instruction en famille au titre de l'année scolaire 2024-2025, pour leurs deux enfants, A, âgée de 5 ans et B, âgé de 2 ans et demi, en âge d'être scolarisées sur le fondement du 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation. Par décisions du 10 juin 2024, un refus explicite leur a été opposé par le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Atlantiques. Par décisions du 19 juillet 2024, notifiées le 26 juillet 2024, la commission de l'académie de Bordeaux a rejeté leurs recours administratifs préalables obligatoires formés le 28 juin. Ils en demandent la suspension. Sur l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, () l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président () ".

3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme G et M. C au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Sur la jonction :

4. Les requêtes nos 2402446 et 2402447 concernent l'instruction de deux enfants de la même famille et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

5. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " ; aux termes de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique () ". Aux termes de l'article R. 522-1 de ce code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit contenir l'exposé au moins sommaire des faits et moyens et justifier de l'urgence de l'affaire. ". En ce qui concerne l'urgence :

6. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

7. En l'espèce, les décisions en litige sont de nature à modifier de manière importante la situation de ces enfants et de leur famille du fait d'une situation propre et préjudiciable aux enfants faisant obstacle à leur inscription dans un établissement d'enseignement, alors que leur scolarisation ne serait pas conforme à leurs besoins. La condition d'urgence prévue pas les dispositions citées au point précédent doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme remplie. En ce qui concerne l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées :

8. Aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'éducation : " L'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans. ". Aux termes de l'article L. 131-2 du même code, dans sa version issue de l'article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 : " L'instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille par les parents, par l'un d'entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l'article L. 131-5. ". Aux termes de cet article L. 131-5, dans sa version issue de l'article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille () / La présente obligation s'applique à compter de la rentrée scolaire de l'année civile où l'enfant atteint l'âge de trois ans. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : / 1° L'état de santé de l'enfant ou son handicap ; / 2° La pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ; / 3° L'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public ; / 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille. ".

9. L'autorisation mentionnée à l'article L. 131-2 précité du code de l'éducation peut être accordée pour quatre motifs désormais limitativement énumérés à l'article L. 131-5 : l'état de santé de l'enfant ou son handicap, la pratique d'activités sportives ou artistiques intensive, l'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public, enfin, l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer cette instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. 10

. En ce qui concerne plus particulièrement les dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'éducation prévoyant la délivrance par l'administration, à titre dérogatoire, d'une autorisation pour dispenser l'instruction dans la famille en raison de " l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ", ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, impliquent que l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire.

11. L'article R. 131-11-5 du code de l'éducation prévoit que ces demandes comprennent " 1° Une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant, à savoir notamment : / a) Une description de la démarche et des méthodes pédagogiques mises en œuvre pour permettre à l'enfant d'acquérir les connaissances et les compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; / b) Les ressources et supports éducatifs utilisés ; / c) L'organisation du temps de l'enfant (rythme et durée des activités) ; / d) Le cas échéant, l'identité de tout organisme d'enseignement à distance participant aux apprentissages de l'enfant et une description de la teneur de sa contribution ; / 2° Toutes pièces utiles justifiant de la disponibilité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant ; / 3° Une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent de la personne chargée d'instruire l'enfant. Le directeur académique des services de l'éducation nationale peut autoriser une personne pourvue d'un titre ou diplôme étranger à assurer l'instruction dans la famille, si ce titre ou diplôme étranger est comparable à un diplôme de niveau 4 du cadre national des certifications professionnelles ; / 4° Une déclaration sur l'honneur de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ".

12. S'agissant des demandes formulées pour ce motif les requérants doivent donc justifier, outre de la capacité des personnes chargées de l'instruction, de la situation propre de leur enfant et présenter un projet éducatif ainsi que démontrer que le projet éducatif est conçu en fonction de la situation de leur enfant et adapté à celle-ci, de telle manière que l'enfant pourra bénéficier d'un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire.

13. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à ce que l'instruction d'un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part dans un établissement d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, de retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt.

14. Il ressort des pièces des dossiers que l'ainée des enfants de Mme G et M. C, A, née en juillet 2019 est actuellement scolarisée et que le second, âgé de 2 ans et demi est pour la première fois en âge d'être scolarisé. Mme G et M. C ont sollicité pour leurs deux enfants, une autorisation d'instruction dans la famille au titre de l'année scolaire 2024-2025 pour le même motif de l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif qui a été rejeté au motif que : "le respect du rythme, de la sensibilité et des besoins de votre enfant ne correspond pas à une situation qui présenterait des besoins particuliers qui justifieraient qu'il soit dérogé au principe de l'instruction au sein d'un établissement d'enseignement public ou privé. ".

15. En l'espèce, A, née le 23 juillet 2019, sera pour l'année 2024-2025 en troisième et dernière année du cycle 1 des apprentissages fondamentaux. Le projet éducatif déposé à l'appui de la demande, précisé dans le cadre de leur recours préalable obligatoire expose que le rythme biologique de A qui ne parvient pas à s'adapter aux horaires de l'école et qui manque de ce fait de sommeil n'est pas compatible avec une scolarisation, que l'expérience menée à l'école depuis deux ans s'est traduite par un échec avec l'apparition d'une énurésie liée à ces difficultés. Le projet expose que la journée proposée dans le projet éducatif commence à 10h, correspondant à un horaire plus adapté par rapport à son rythme de sommeil et des horaires étalés du lundi au samedi. Il est exposé également que A rencontre des difficultés avec les notions abstraites et qu'elle a besoin de situations concrètes et de manipuler pour apprendre en alternant très souvent les activités statiques et physiques, justifiant l'organisation d'une sortie nature tous les matins, ce que ne peut proposer l'école du village organisée en classe unique de 15 élèves avec un seul enseignant. Enfin, il est fait état de son besoin d'une pédagogie active de type Montessori, Freinet et Mason car A se désintéresse rapidement des apprentissages.

16. B, âgé de 2 ans et demi, entre en 1ère année de cycle 1. Les requérants exposent comme dans le projet éducatif joint à leur RAPO, que leur fils a rythme biologique à rebours du rythme imposé à l'école, et que ses besoins physiologiques et notamment celui d'être rassuré sur le plan affectif ne peuvent être assurés dans les mêmes conditions à l'école qu'à la maison dans la mesure ou l'école du village se fait en classe unique de 15 enfants qui ne peut proposer de telles conditions. Il est précisé que si son repos n'est pas suffisant, il manifeste des crises de frustration fortes et difficiles à gérer, justifiant la présence d'une personne de confiance disponible qui puisse le rassurer. Le projet fait état de la nécessité d'organiser ses temps de classe avec son rythme de sommeil et de proposer de nombreuses sorties en nature pour canaliser sa forte sensibilité émotionnelle. Il ressort des explications des parents de B à l'audience, étayées par un certificat médical évoquant des " troubles d'adaptation scolaire " et l'attestation de la directrice de l'établissement dans lequel B est inscrit depuis la rentrée 2024, que ce dernier a montré un comportement inadéquat en tapant, mordant et bousculant souvent ses camarades depuis la rentrée, actes qui se multiplient dans la journée avec la fatigue et qui, malgré les adaptations mises en place (discussions, mises à l'écart, accompagnement personnalisé) n'ont pas abouties, ce qui justifie une adaptation et une socialisation plus progressive de B.

17. Il résulte de l'instruction que Mme G et M. C ont produit un projet pédagogique qui présente de manière étayée la situation particulière et les besoins propres de chacun de leur enfant, motivant dans leur intérêt le projet éducatif proposé. La rectrice de l'académie de Bordeaux qui ne conteste pas par ailleurs les points 1, 2, 3 et 4 exigés au a du 1° de l'article R. 131-11-5 du code de l'éducation et notamment le contenu des projets éducatifs présentés, n'apporte pas en défense, d'éléments permettant de dire que ces projets ne seraient pas élaborés conformément à l'intérêt supérieur des enfants et se borne à faire valoir que les besoins physiologiques de A et de B peuvent être pris en charge dans le cadre d'une scolarisation et que de nombreux enfants connaissent des difficulté liées au sommeil ou à une sensibilité particulières qui sont prises en compte au sein des établissements scolaires. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision attaquée au motif que l'instruction dans la famille, sur la base du projet pédagogique produit comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage des enfants, est la plus conforme à l'intérêt des enfants des requérants, est dans les circonstances de l'espèce, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions en litige. 18. Par suite, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution des décisions du 19 juillet 2024 par lesquelles la commission académique de Bordeaux a rejeté les recours administratifs préalables obligatoires formés par Mme G et M. C contre les décisions du directeur des services académiques rejetant les demandes d'autorisation d'instruction dans la famille qu'ils ont formées pour leurs enfants au titre de l'année scolaire 2024-2025. Sur les conclusions à fin d'injonction : 19. Compte tenu du motif de suspension retenu, ainsi que du caractère provisoire des mesures du juge des référés, la suspension de l'exécution des décisions contestées implique qu'il soit enjoint à la rectrice de l'académie de Bordeaux de délivrer, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de ces décisions, les deux autorisations sollicitées dans un délai de 7 jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Sur les frais liés au litige : 20. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que Mme G et M. C sont provisoirement admis à l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Romazzotti, avocat de Mme G et M. C, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Romazzotti de la somme de 1 500 euros. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sera versée à Mme G et M. C sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : Mme G et M. C sont admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Article 2 : L'exécution des décisions de la commission de l'académie de Bordeaux en date du 19 juillet 2024 est suspendue. Article 3 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Bordeaux de délivrer à Mme G et M. C, à titre provisoire, les autorisations d'instruction en famille de leurs enfants A et B pour la rentrée scolaire 2024, dans un délai de 7 jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Article 4 : Sous réserve de l'admission définitive de à l'aide juridictionnelle et sous réserve que Me Romazzotti renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, l'Etat versera à Me Romazzotti la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Cette somme sera versée directement à Mme G et M. C en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme H G et M. E C, à la rectrice de l'académie de Bordeaux et à la ministre de l'éducation nationale. Fait à Pau, le 15 octobre 2024. La juge des référés, La greffière, F. MADELAIGUE M. F La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. Pour expédition : La greffière, 2-2402447

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