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Restriction d'horaires de débits de boisson et référé - suspension

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    remy PHILIPPOT
  • 17 sept.
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Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 12 septembre 2025, 2515255


 : Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 25 et 28 août 2025, 10 et 11 septembre 2025, la SARL Tapis Rouge, représentée par Me Bouboutou, demande à la juge des référés, statuant par application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) à titre principal, de suspendre l'exécution de l'arrêté en date du 12 mai 2025 par lequel le maire de la commune de Gennevilliers a fixé les heures d'ouverture et de fermeture des débits des établissements recevant du public titulaires d'une licence (débits de boissons, restaurants et ventes à emporter) sur l'ensemble du territoire de la commune, ensemble la décision en date du 20 août 2025 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté ; 2°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'arrêté en date du 12 mai 2025 par lequel le maire de la commune de Gennevilliers a fixé les heures d'ouverture et de fermeture des débits des établissements recevant du public titulaires d'une licence (débits de boissons, restaurants et ventes à emporter) sur l'ensemble du territoire de la commune, en tant qu'il concerne les établissements exploitant une piste de danse, ensemble la décision en date du 20 août 2025 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté ; 3°) à titre infiniment subsidiaire, suspendre l'exécution de l'arrêté en date du 12 mai 2025 par lequel le maire de la commune de Gennevilliers a fixé les heures d'ouverture et de fermeture des débits des établissements recevant du public titulaires d'une licence (débits de boissons, restaurants et ventes à emporter) sur l'ensemble du territoire de la commune, en tant qu'il concerne les établissements exploitant une piste de danse, ensemble la décision en date du 20 août 2025 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté ; 4° ) d'enjoindre au maire de la commune de Gennevilliers de prendre un nouvel arrêté ou de modifier l'arrêté litigieux en excluant les établissements exploitant une piste de danse, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Gennevilliers la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la condition d'urgence est remplie, dès lors qu'exploitant une salle de danse dont l'activité est essentiellement nocturne la restriction prévue par l'arrêté s'apparente à une interdiction complète d'exercer son activité, et en conséquence, cette interdiction la prive de l'ensemble de son chiffre d'affaires alors qu'elle devra faire face à un montant mensuel de charges fixes de 31 828 euros ; enfin, l'intervention des forces de police aux fins d'évacuation de l'établissement porte préjudice à son image et à sa réputation ; - il est justifié de moyens de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la l'arrêté contesté : il est entaché d'une incompétence de son signataire, et d'une incompétence du maire en tant qu'il a outrepassé ses pouvoirs de police en méconnaissance des dispositions de l'article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales ; il est entaché d'une erreur de droit en méconnaissance des dispositions des articles L. 314 et L. 314-1 et D. 314-1 du code du tourisme ; il a été pris en méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ; il est manifestement disproportionné en méconnaissance des dispositions de l'article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales. Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2025, la commune de Gennevilliers, représentée par Me Peru, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la requérante une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative Elle fait valoir que la requête est irrecevable faute de recours au fond et à défaut d'intérêt à agir de la société requérante dès lors que l'arrêté contesté ne prévoit aucune disposition particulière applicable aux établissements de nuit et n'a en conséquence ni pour objet ni pour effet de réglementer l'activité de la SARL Tapis Rouge qui n'est ni un débit de boissons, ni un restaurant ni un hôtel et encore moins un commerce de détail avec petite licence.

Vu :

- les autres pièces du dossier ; - la requête n°2515254, enregistrée le 25 août 2025, par laquelle la SARL Tapis Rouge demande l'annulation de la décision contestée. Vu le code de justice administrative. Le président du tribunal a désigné Mme Chabrol, première conseillère, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les requêtes en référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience du 11 septembre 2025 à 10 heures. Ont été entendus au cours de l'audience publique, tenue en présence de Mme Soulier, greffière d'audience : - le rapport de Mme Chabrol, juge des référés ; - les observations de Me Leplat, représentant la SARL Tapis Rouge, en présence de son représentant M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens. - les observations de Me Regis représentant la commune de Gennevilliers La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.


Considérant ce qui suit


 : 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Tapis Rouge exploite l'établissement éponyme situé au 42 avenue Louis Roche à Gennevilliers (92230), ayant une activité de type " salle de danse ". Par un arrêté du 12 mai 2025, le maire de la commune de Gennevilliers a fixé les heures d'ouverture et de fermeture des débits des boissons, des restaurants, des commerçants exploitants une licence " à emporter ", des établissements de restauration rapide et des commerces avec terrasse. Le 20 juin 2025, la SARL Tapis Rouge a formé un recours gracieux contre cet arrêté. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la commune sur ce recours le 20 août 2025. Par la présente requête, la SARL Tapis Rouge demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet arrêté et cette décision implicite.


Sur les fins de non-recevoir opposées en défense par la commune :


2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 522-1 du code de justice administrative : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit contenir l'exposé au moins sommaire des faits et moyens et justifier de l'urgence de l'affaire. / A peine d'irrecevabilité, les conclusions tendant à la suspension d'une décision administrative ou de certains de ses effets doivent être présentées par requête distincte de la requête à fin d'annulation ou de réformation et accompagnées d'une copie de cette dernière. ". Contrairement à ce que fait valoir la commune en défense, la société Tapis Rouge a introduit une requête au fond enregistrée le 25 aout 2025 sous le numéro 2515254. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête opposée en défense doit être écartée.


3. En seconde lieu, la commune de Gennevilliers fait valoir que la société requérante n'a pas intérêt à agir dès lors que l'arrêté contesté ne prévoit aucune disposition particulière applicable aux établissements de nuit et n'a en conséquence ni pour objet ni pour effet de réglementer l'activité de la SARL Tapis Rouge qui n'est ni un débit de boissons, ni un restaurant ni un hôtel et encore moins un commerce de détail avec petite licence. Toutefois, l'arrêté contesté qui fixe, de manière générale, les heures limites de fermeture de tous les débits de boissons, hors terrasse à 23 heures, sans prévoir d'exclusion, entre autres, des discothèques doit être regardé comme applicable à l'établissement Tapis Rouge, en ce qu'il est titulaire d'une licence IV de débits de boissons. Dans ces conditions, et en l'état de l'instruction, la société requérante doit être regardée comme justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 12 mai 2025. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

Sur l'urgence :

4. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ".


5. Il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier, ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.


6. Il résulte de l'instruction que la SARL Tapis Rouge exploite une discothèque dont l'activité est par essence nocturne. L'application de l'arrêté litigieux, qui fixe les heures limites de fermeture de tous les débits de boissons, hors terrasse à 23 heures et dont la suspension de l'exécution est demandée est donc de nature à remettre en cause son existence économique dès lors qu'elle l'empêche d'exercer son activité principale d'exploitation d'une piste de danse, location de salle, restaurant, service traiteur, telles que mentionnées dans son extrait K bis produit à l'audience. Dans ces conditions, la société requérante doit être réputée comme justifiant de la condition d'urgence. Sur le doute sérieux :


7. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : () 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; () ".


8. S'il incombe au maire, en vertu des dispositions susmentionnées, de prendre les mesures qu'exige le maintien de l'ordre public, il doit concilier l'exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté du commerce et de l'industrie. Le respect de la liberté d'entreprendre implique, notamment, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers, des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. Une mesure de police administrative entravant l'exercice d'une liberté fondamentale ne peut être légalement prise que si elle est strictement nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi.

9. En l'espèce, l'adjoint au maire de la commune de Gennevilliers, sur délégation du maire, a entendu, par l'arrêté du 12 mai 2025, réglementer, de manière générale, sur le territoire de toute la commune l'exercice de l'ensemble des établissements titulaires d'une licence - licence de débits de boissons, licence restaurant, licence vente à emporter, des établissements de restauration et restauration rapide sans licence et des commerces avec terrasse, seuls les hôtels possédant une licence IV ayant l'autorisation de fermeture plus tard et seuls les restaurants pouvant obtenir une dérogation d'horaires d'un caractère ponctuel et exceptionnel.


10. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que le maire a excédé les pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article L.2212-2 2° du code général des collectivités territoriales précité est de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité. 11. Il résulte de tout ce qui précède que les conditions permettant de prononcer la suspension de la décision sont satisfaites. Il y a donc lieu de prononcer la suspension demandée, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de la décision. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 13. Ces dispositions font obstacle aux conclusions du maire de la commune de Gennevilliers sur ce fondement laquelle n'est pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Gennevilliers à verser à la société Tapis Rouge la somme de 1 500 euros en application desdites dispositions.


O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de l'arrêté municipal du 12 mars 2025 fixant les heures d'ouverture et de fermeture des débits de boissons, des restaurants, des commerçants exploitant une licence à emporter, des établissements de restauration rapide et des commerces avec terrasse par lequel le maire de Gennevilliers a réglementé les horaires d'ouverture et de fermeture de l'ensemble des débits de boissons, des restaurants hors terrasse, des établissements de restauration rapide avec ou sans licence, hors terrasse, des commerces avec petite licence à emporter, des terrasses de restaurant, d'établissement de restauration rapide, de débit de boissons et de toute autre établissement exploitant une terrasse est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête en annulation présentée par la SARL Tapis Rouge. Article 2 : La commune de Gennevilliers versera à la société Tapis Rouge une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Les conclusions de la commune du Gennevilliers tendant à la condamnation de la société SARL Tapis Rouge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Tapis Rouge et à la commune de Gennevilliers. Fait à Cergy, le 12 septembre 2025. La juge des référés, signé C. Chabrol La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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