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Refus de délivrance de carte professionnelle par le CNAPS et erreur de droit

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    remy PHILIPPOT
  • il y a 6 jours
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Tribunal administratif de Nîmes, 3ème Chambre, 18 juillet 2025, 2304277


Vu la procédure suivante

 : I. Par une requête enregistrée le 6 novembre 2023 au Tribunal administratif de Grenoble puis le 16 novembre 2023 au Tribunal administratif de Nîmes sous le n° 2304277, M. A B, représenté par Me Ivanovitch, demande au tribunal : 1°) d'annuler la décision du 17 juillet 2023 par laquelle le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de lui délivrer une carte professionnelle ; 2°) d'enjoindre au Conseil national des activités privées de sécurité de lui délivrer la carte professionnelle sollicitée sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 3°) de condamner le Conseil national des activités privées de sécurité à lui verser la somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice ; 4°) de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le signataire de la décision contestée ne justifie d'aucune délégation de signature ; - le conseil national des activités privées de sécurité se prévaut de faits dont il n'aurait pas dû avoir connaissance, puisque par décision du 6 février 2023, le procureur de la république a demandé une mention de classements sans suite au traitement des antécédents judiciaire des faits commis en 2019 et 2023 ; - il a subi un préjudice moral, financier ainsi qu'un préjudice indéniable lié à la perte de chance d'obtenir un métier dans un secteur porteur. Une mise en demeure a été adressée le 9 août 2024 au directeur du conseil national des activités privées de sécurité. Le conseil national des activités privées de sécurité a présenté un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2025, soit après la clôture de l'instruction, prononcée le 18 mars 2025. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : -le rapport de M. Parisien, -les conclusions de M. Baccati, rapporteur public.

Considérant ce qui suit

 : 1. M. B a saisi, par courrier du 6 juin 2023, le directeur du conseil national des activités privées de sécurité afin d'obtenir une carte professionnelle. Par une décision du 17 juillet 2023, celui-ci a rejeté cette demande. Le recours gracieux formé par M. B devant la commission nationale d'agrément et de contrôle, a été rejeté par une décision implicite du 21 octobre 2023. Par une ordonnance n°2304364 du 5 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a suspendu la décision du 17 juillet 2023 par laquelle le directeur du conseil national des activités privées de sécurité a refusé d'accorder une carte professionnelle d'agent de sécurité à M. B et a enjoint au conseil national des activités privées de sécurité la délivrance, à titre provisoire, de cette carte professionnelle. M. B demande l'annulation de cette décision du 17 juillet 2023.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure : " I. - Les décisions administratives de recrutement, d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant soit les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat, soit les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, soit les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, soit l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce, soit l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées ".

3. D'une part, aux termes de l'article 230-8 du code de procédure pénale : " () En cas de décision de non-lieu ou de classement sans suite, les données à caractère personnel concernant les personnes mises en cause font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données à caractère personnel. Lorsque les données à caractère personnel relatives à la personne concernée font l'objet d'une mention, elles ne peuvent faire l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1 et L. 234-1 à L. 234-3 du code de la sécurité intérieure et à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. () ". Aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues () aux articles L. 114-1 () du code de la sécurité intérieure (), les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : () / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorable sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code. () ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : () 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées () ".

5. Il résulte des termes de la décision attaquée, que le conseil national des activités privées de sécurité l'a fondée sur la circonstance que le requérant a été mis en cause le 20 janvier 2023 pour des faits de tentative de vol à l'étalage d'une bouteille d'alcool, et le 31 mars 2019, pour des faits de vol aggravé d'un tracteur, ce qui révélait selon lui, de la part de l'intéressé, des agissements contraires à la probité, incompatibles avec l'exercice d'une activité privée de sécurité en application de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure.

6. Toutefois, il résulte de l'instruction que si le procureur de la République du tribunal judicaire de Valence, par décision du 6 février 2023, a demandé l'inscription d'une mention au traitement des antécédents judiciaires des classements sans suite dont le requérant a bénéficié, il a également précisé que ces données ne pourront plus faire l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1 et L. 234-1 à L. 234-3 du code de la sécurité intérieure et à l'article 17-1 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995. Dans ces conditions, en fondant les décisions litigieuses, lors de l'étude de la demande et du recours gracieux du requérant, sur lesdites données, le conseil national des activités privées de sécurité a méconnu la décision du procureur de la République en date du 6 février 2023. Dans ces conditions, M. B est fondé à soutenir que le conseil national des activités privées de sécurité a commis une erreur de droit en refusant de lui délivrer la carte professionnelle sollicitée. Cette décision, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, doit être annulée. Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " 8. Il y a lieu d'enjoindre au directeur du CNAPS de réexaminer la situation de M. B en tenant compte des circonstances de droit ou de fait intervenues depuis la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte. Sur les conclusions indemnitaires : 9. Toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. Tel n'est pas le cas si la même décision aurait pu être légalement prise pour un autre motif.

10. La décision de refus initialement notifiée à M. B était illégale et de nature à engager la responsabilité du conseil national des activités privées de sécurité envers M. B.

11. Le requérant se borne à soutenir qu'il a subi un préjudice moral, financier ainsi qu'un " préjudice indéniable lié à la perte de chance d'obtenir un métier dans un secteur porteur ". Toutefois, la réalité des préjudices qu'il invoque n'est pas établie par les seules pièces versées à l'instance. Ses conclusions ne peuvent par suite qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les conclusions correspondantes doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du directeur du Conseil national des activités privées de sécurité du 17 juillet 2023 est annulée. Article 2 : Il est enjoint au directeur du Conseil national des activités privées de sécurité de réexaminer la situation de M. B, en tenant compte des circonstances de droit ou de fait intervenues depuis la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au Conseil national des activités privées de sécurité. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient : M. Peretti, président, M. Parisien, premier conseiller, M. Mouret, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2025. Le rapporteur, P. PARISIEN Le président, P. PERETTI Le greffier, D. BERTHOD La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°2304277

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