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Instruction en famille (IEF): Intérêt supérieur de l'enfant et référé suspension




Tribunal administratif de Paris, 27 août 2024, 2421699


Dans cette décision, le tribunal administratif de Paris a ordonné la suspension de la décision de rejet des demandes d'instruction en famille pour les enfants des requérants, en se fondant sur l'article L. 521-1 du code de justice administrative, qui permet la suspension d'une décision administrative lorsque l'urgence et un doute sérieux sur sa légalité sont établis. Les juges ont souligné que la décision contestée portait atteinte de manière grave et immédiate à l'intérêt supérieur des enfants, en raison de leur bien-être psychologique et de leur parcours éducatif antérieur, ce qui a créé un doute sérieux quant à la légalité de la décision. En conséquence, ils ont également enjoint à l'administration de délivrer provisoirement les autorisations d'instruction en famille, affirmant ainsi l'importance de protéger les droits des enfants dans le cadre de leur éducation.


Vu les procédures suivantes : I. Par une requête n° 2421699 et une pièce complémentaire, enregistrées les 12 août 2024 et 26 août 2024, les époux B, représentés par Me Fouret, demandent au juge des référés : 1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 18 juin 2024 rejetant leur recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de la décision de rejet de leur demande d'instruction en famille de leur enfant A B, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ; 2°) d'enjoindre à titre principal au recteur de l'académie de Paris de délivrer l'autorisation d'instruire en famille A B sur le fondement du 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation à titre provisoire jusqu'au prononcé de la décision au fond ou, à titre subsidiaire, réexaminer la situation ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : En ce qui concerne l'urgence : -Il est nécessaire d'être fixé avant le début de la rentrée scolaire pour éviter un changement de mode de scolarisation en cours d'année ; -le maintien de la décision en litige nuirait au bien-être émotionnel de l'enfant, ses expériences de scolarisation passées ayant entraîné une grande souffrance ; -ce maintien l'empêcherait de poursuivre le diplôme poursuivi à l'aide de la Clonara School ; - A B devrait abandonner le rythme de vie dans lequel il s'épanouit ; En ce qui concerne le doute sérieux : -La décision est entachée d'erreur de droit dès lors qu'ils ont bien soumis un projet sérieux et adapté, seule condition posée par le 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation pour bénéficier de l'autorisation sollicitée ; -elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que sa scolarisation, alors qu'il a été instruit en famille la majeure partie de sa vie, lui serait préjudiciable ; -à titre subsidiaire, la commission académique chargée d'examiner le recours administratif préalable obligatoire était irrégulièrement composée. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2024, le recteur de l'académie de Paris conclut au rejet de la requête. Il soutient que l'urgence, n'est pas démontrée et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. II. Par une requête n° 2421774 et une pièce complémentaire, enregistrées les 12 août 2024 et 26 août 2024, les époux B, représentés par Me Fouret, demandent au juge des référés : 1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 18 juin 2024 rejetant leur recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de la décision de rejet de leur demande d'instruction en famille de leur enfant C B, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ; 2°) d'enjoindre à titre principal au recteur de l'académie de Paris de délivrer l'autorisation d'instruire en famille C B sur le fondement du 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation à titre provisoire jusqu'au prononcé de la décision au fond ou, à titre subsidiaire, réexaminer la situation ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : En ce qui concerne l'urgence : -Il est nécessaire d'être fixé avant le début de la rentrée scolaire pour éviter un changement de mode de scolarisation en cours d'année ; -le maintien de la décision en litige nuirait au bien-être émotionnel de l'enfant, ses expériences de scolarisation passées ayant entraîné une grande souffrance ; -ce maintien l'empêcherait de poursuivre les cours à distance de l'école Ker Lann ; -Raphaël B devrait abandonner le rythme de vie dans lequel il s'épanouit et cette situation pourrait faire naître de surcroît un sentiment d'iniquité par rapport à son frère qui a pu bénéficier de l'instruction en famille à son âge ; En ce qui concerne le doute sérieux : -La décision est entachée d'erreur de droit dès lors qu'ils ont bien soumis un projet sérieux et adapté, seule condition posée par le 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation pour bénéficier de l'autorisation sollicitée ; -elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que sa scolarisation, alors qu'il a été instruit en famille la majeure partie de sa vie, lui serait préjudiciable ; -à titre subsidiaire, la commission académique chargée d'examiner le recours administratif préalable obligatoire était irrégulièrement composée. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2024, le recteur de l'académie de Paris conclut au rejet de la requête. Il soutient que l'urgence, n'est pas démontrée et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

Vu :

- les autres pièces du dossier. - les requêtes enregistrées le 12 août 2024 sous les numéros 2421701 - 2421775 par lesquels les époux B demandent les annulations des décisions attaquées. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'éducation ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal a désigné M. Degand pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus, au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Degand, juge des référés, - les observations de Me Le Foyer de Costil, substituant Me Fouret, pour les requérants, qui reprend pour l'essentiel les arguments développés par écrit dans la requête ; il conteste que le projet éducatif n'ait pas été personnalisé et soutient par suite qu'à supposer même qu'il ait été de l'office de l'administration de le contrôler, ce projet comportait les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant ; - les observations de Mme B qui précise que les deux enfants ont bien été reçus par la psychologue clinicienne qui a établi le certificat du 14 août 2024.

Considérant ce qui suit

 : 1. Par décisions du 18 juin 2024, prises sur recours préalable obligatoire en application de l'article D. 131-11-10 du code de l'éducation, la commission académique a confirmé la décision du 22 mai 2024 du recteur de l'académie de Paris de rejet des demandes d'autorisation d'instruction en famille présentées par M. et Mme B au titre de l'année 2024-2025 pour leurs enfants A et C. Sur les conclusions à fin de suspension : 2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ". Aux termes de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. () ". Enfin aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 de ce code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit () justifier de l'urgence de l'affaire ". En ce qui concerne l'urgence : 3. Il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. 4. A l'appui de leurs requêtes, M. et Mme B produisent deux certificats établis le 14 août 2024 pour chacun de leurs enfants par une psychologue clinicienne. Il en ressort, concernant l'enfant A, que " l'instruction en famille est parfaitement adaptée à ses besoins particuliers et son profil ", que " quand l'école est évoquée, il montre un stress post-traumatique ". Concernant l'enfant C, que " les experts avaient posé un diagnostic de dépression, alors [qu'il] était âgé de 5 ans seulement ", qu'" il en a été totalement guéri grâce à l'instruction en famille ", que " cette expérience doit être un point d'appui dans les choix futurs de scolarisation et les mêmes erreurs ne doivent pas être refaites, le risque pour la santé mentale de C étant trop important ". Elle relève que les parents fournissent aux deux enfants une instruction satisfaisante, les contrôles de l'Education nationale en témoignant, et permettant leur équilibre psychologique. Elle conclut concernant les deux enfants " qu'il n'y a aucun argument allant dans le sens d'une scolarisation en milieu ordinaire " et qu'elle est " très favorable au maintien de l'instruction en famille, pendant la durée de l'instruction " des requêtes au fond. Si l'administration en défense soutient que les pièces justifiant la nécessité de poursuivre l'instruction en famille sur le plan psychologique sont anciennes, elle n'a pas répliqué à ces certificats médicaux récents qui, s'ils sont postérieurs à l'introduction de la requête, se rapportent en tout état de cause à la situation de fait à la date de la décision en litige. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les décisions du 18 juin 2024 de la commission académique doit être regardée comme portant atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à la situation des enfants A et C B. La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est donc remplie. En ce qui concerne l'existence d'un doute sérieux : 5. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que la commission académique de Paris a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'instruction dans la famille, sur la base du projet pédagogique produit comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant, est la plus conforme à l'intérêt des enfants des requérants, sont dans les circonstances de l'espèce, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige. Par suite, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution des décisions du 18 juin 2024 par laquelle la commission académique de Paris a rejeté les recours administratifs préalables obligatoires formé par M. et Mme B contre la décision du 22 mai 2024 du recteur de l'Académie de Paris rejetant les demandes d'autorisation d'instruction dans la famille qu'ils ont formées pour leurs fils A et C au titre de l'année scolaire 2024-2025. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 6. En l'espèce, il y a lieu d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Paris de délivrer à M. et Mme B, à titre provisoire, et dans l'attente du jugement de l'affaire au fond, l'autorisation d'instruction dans la famille sollicitée au titre de l'année scolaire 2024-2025, dans un délai de deux jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Sur les frais liés au litige : 7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros à verser aux requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de la décision de la commission académique de recours de Paris du 18 juin 2024 est suspendue. Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Paris de délivrer à M. et Mme B, à titre provisoire, et dans l'attente du jugement de l'affaire au fond, les autorisations d'instruction sollicitées dans la famille au titre de l'année scolaire 2024-2025, dans un délai de deux jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Article 3: L'Etat versera aux requérants une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B, à M. B et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Une copie en sera adressée pour information au Recteur de l'académie de Paris. Fait à Paris, le 27 août 2024. Le juge des référés, Nicolas DEGAND La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche en ce qui la concerne, ou à tous commissaire de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droits commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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