
L'ordonnance du juge des référés de Rennes du 29 juillet 2024 rappelle s'il en était besoin la nécessité de produire toutes les justifications nécessaires dans le cadre d'un recours en référé.
Le dossier doit être complet non seulement s'agissant du projet éducatif mais également et avant tout s'agissant du motif choisi pour déroger à l'obligation ainsi que l'urgence dans la situation présente, sous peine d'avoir son recours rejeté pour défaut d'urgence démontrée ou encore pour absence de moyens sérieux en l'état de l'instruction.
Ainsi, la procédure de référé-suspension prévue à l'article L. 521-1 du Code de justice administrative dispose que "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision".
Il est indispensable de récolter au plus tôt l'ensemble des certificats médicaux, témoignages de personnels compétents en la forme, documents médicaux et autre documents dés la phase de recours administratif préalable obligatoire afin de se donner un maximum de chances devant le juge administratif.
On rappellera ici que je juge administratif est un juge de dossier qui juge sur un ensemble d'éléments de fait et de droit concrets et qu'il appartient par principe au demandeur à l'action d'avancer les preuves du fait qu'il entend faire valoir en justice.
A bon entendeur....
Tribunal administratif de Rennes, 29 juillet 2024, 2403850
Tribunal administratif de Rennes, 29 juillet 2024, 24038502403850
Texte intégral
Vu la procédure suivante
: Par une requête enregistrée le 9 juillet 2024, Mme B A et M. E D, représentés par Me Fouret (selas Nausica Avocats), demandent au juge des référés : 1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 18 juin 2024 par laquelle la commission de l'académie de Rennes a confirmé, sur recours administratif préalable obligatoire, la décision du 24 mai 2024 du directeur académique des services de l'éducation nationale du département du Morbihan refusant de les autoriser à instruire en famille leur fils C au titre de l'année scolaire 2024-2025, ensemble la décision du 24 mai 2024 précitée ; 2°) à titre principal, d'enjoindre au recteur de l'académie de Rennes d'autoriser l'instruction dans la famille de leur fils sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation ou, à titre subsidiaire, de réexaminer la situation de leur enfant ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : Sur l'urgence : - la rentrée scolaire est imminente ; - les frais d'inscription dans un établissement privé seront exposés à perte dans l'hypothèse où l'autorisation serait finalement accordée ; - aucune décision d'affectation de leur fils n'a été adoptée bloquant toute possibilité d'inscription dans un collège public ; - l'intervention d'une décision en cours d'année qui constaterait l'illégalité de la décision attaquée bouleversera son parcours scolaire ; - les aménagements dont il bénéficiait l'année dernière du fait d'un parcours scolaire difficile ne seront pas reconduits dans l'immédiat, leur enfant n'étant pas encore inscrit dans un établissement ; Sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée : - le recteur a commis une erreur de droit en conditionnant son autorisation à la démonstration d'une situation propre à leur fils ; - le recteur a commis une erreur manifeste d'appréciation et porte atteinte à l'intérêt supérieur de leur fils garanti par les stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors que le projet pédagogique prévoit un programme et des méthodes adaptées au rythme de leur fils, à ses difficultés de concentration, à sa fatigabilité et que le projet éducatif porte sur les domaines du cycle 3 alors que la scolarisation en milieu ordinaire de leur fils depuis huit ans l'a placé en situation de retard scolaire et que l'administration n'a entrepris aucune démarche pour maintenir des aménagements spécifiques ; - leur fils a été victime de harcèlement moral et physique lors de sa scolarisation en milieu ordinaire, ce qui l'a marginalisé ainsi qu'en atteste sa dernière enseignante ; - la scolarisation de leur fils en milieu ordinaire ne permet pas de surveiller l'alimentation de leur fils qui souffre d'allergies alimentaires depuis sa naissance. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2024, le recteur de l'académie de Rennes conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la condition tenant à l'urgence n'est pas satisfaite ; l'exposition de frais d'inscription de leur enfant dans un établissement privé relève du choix des requérants de ne pas l'inscrire dans un établissement public ; les situations difficiles vécues par leur fils et les défauts d'aménagements évoqués ne sont pas étayés ; la décision d'affectation de leur fils dans un établissement public ou privé par la direction académique des services de l'éducation nationale du département du Morbihan nécessite que les parents se rapprochent de cette dernière pour le réseau public ou de l'établissement de leur choix pour le réseau privé et les requérants pouvaient effectuer cette démarche dès le 30 mai 2024 ; l'urgence n'est pas établie par la seule proximité de la rentrée scolaire ; - l'obligation d'instruction dans un établissement ne peut être regardée comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant ; - l'administration qui a examiné l'existence d'une situation propre au fils des requérants, puis a vérifié si le projet éducatif produit par ses parents répondait davantage aux besoins de l'enfant liés à sa situation propre qu'une scolarisation en milieu scolaire, n'a commis aucune erreur de droit ; - le motif de la surveillance de l'alimentation de leur enfant n'est pas au nombre de ceux qui justifie l'instruction en famille ; - la scolarité difficile de l'enfant des requérants et ses difficultés à suivre le rythme de la classe ne sont pas démontrées ; - les faits de harcèlement ne sont pas démontrés ; - la " personnalité singulière " de l'enfant relevée dans le recours administratif préalable obligatoire n'est assortie d'aucune précision ; - le témoignage de la dernière enseignante de l'enfant des requérants qui atteste de sa marginalisation n'est pas produit à l'instance ; - les allergies alimentaires de l'enfant ne sont établies par aucun certificat médical ; - le projet pédagogique, qui reprend le programme de 6ème de Pass' Education, téléchargeable sur Internet, est très peu adapté pour tenir compte des besoins de leur fils. Vu - la requête au fond n° 2403849, enregistrée le 9 juillet 2024 ; - les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ; - le code de l'éducation ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal a désigné Mme Pellerin, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique du 25 juillet 2024 : - le rapport de Mme Pellerin, qui informe les parties, qu'en application des articles R. 522-9 et R. 611-7 du code de justice administrative, l'ordonnance à intervenir est susceptible de se fonder sur les moyens relevés d'office tirés de l'irrecevabilité d'une part, des conclusions dirigées contre la décision du 24 mai 2024, la décision du 18 juin 2024 intervenue sur recours préalable obligatoire s'y étant nécessairement substituée et d'autre part, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce qu'une autorisation d'instruction dans la famille soit délivrée aux requérants qui ne relèvent pas de l'office du juge des référés selon l'article L. 511-1 du code de justice administrative ; - les observations de Me Barrau-Azema substituant Me Fouret, représentant Mme A et M. D, qui déclare se désister des conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 mai 2024 ainsi que des conclusions à fin d'injonction de délivrance d'une autorisation d'instruction dans la famille et présente des conclusions à fin d'injonction de délivrance d'une autorisation provisoire d'instruction dans la famille ; elle précise que les requérants n'ont effectué aucune démarche d'inscription dans un établissement en raison du caractère récent de la décision attaquée, que leur enfant garde des séquelles des faits de harcèlement scolaire qu'il a subi, que le rectorat a été informé des difficultés vécues par leur fils et qu'en janvier 2024, l'équipe pédagogique de l'école a proposé aux requérants de mettre en place un programme personnalisé de réussite éducative ; - les observations de Mme C, représentant le recteur de l'académie de Rennes, qui conclut aux mêmes fins que ses écritures par les mêmes moyens, et insiste sur l'absence d'établissement des faits de harcèlement scolaire, conteste l'information du rectorat sur les difficultés vécues par le fils des requérants à l'école, souligne que les parents pourront continuer de surveiller l'alimentation de leur enfant, le service de restauration scolaire étant facultatif et que la timidité de leur enfant est un trait de caractère commun à beaucoup d'enfants. La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit
: 1. Mme A et M. D demandent la suspension de l'exécution de la décision du 18 juin 2024 de la commission académique de Rennes confirmant, sur recours administratif préalable obligatoire, la décision du 24 mai 2024 du directeur académique des services de l'éducation nationale du département du Morbihan refusant de les autoriser à instruire en famille leur fils, C, né le 22 juillet 2013, au titre de l'année scolaire 2024-2025. Sur les conclusions aux fins de suspension : 2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ". 3. Aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'éducation : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. /() /L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : () ; 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille. ". Suivant l'article R. 131-11-5 du même code : " Lorsque la demande d'autorisation est motivée par l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, elle comprend : 1° Une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant, à savoir notamment : a) Une description de la démarche et des méthodes pédagogiques mises en œuvre pour permettre à l'enfant d'acquérir les connaissances et les compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ;b) Les ressources et supports éducatifs utilisés ; c) L'organisation du temps de l'enfant (rythme et durée des activités) ; d) Le cas échéant, l'identité de tout organisme d'enseignement à distance participant aux apprentissages de l'enfant et une description de la teneur de sa contribution ; / 2° Toutes pièces utiles justifiant de la disponibilité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant ; / 3° Une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent de la personne chargée d'instruire l'enfant. Le directeur académique des services de l'éducation nationale peut autoriser une personne pourvue d'un titre ou diplôme étranger à assurer l'instruction dans la famille, si ce titre ou diplôme étranger est comparable à un diplôme de niveau 4 du cadre national des certifications professionnelles ; / 4° Une déclaration sur l'honneur de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant d'assurer cette instruction majoritairement en langue française. ". 4. D'une part, ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, impliquent que l'autorité administrative, saisie d'une demande d'instruction en famille, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à l'enfant qui en fait l'objet, motivant, dans son intérêt, un tel projet éducatif, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, et enfin, que les personnes chargées de l'instruction de l'enfant justifient des capacités requises pour dispenser cette instruction. 5. D'autre part, pour la mise en œuvre de ces dispositions, dont il résulte que les enfants soumis à l'obligation scolaire sont, en principe, instruits dans un établissement d'enseignement public ou privé, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à ce que l'instruction d'un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part, dans un établissement d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, de retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt. 6. Pour contester la légalité de la décision du 18 juin 2024 de la commission dédiée de l'académie de Rennes, les requérants soutiennent qu'elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. 7. Aucun des moyens invoqués par les requérants et analysés ci-dessus n'est propre, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige. 8. Il résulte de ce qui précède que l'une des conditions auxquelles les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonnent la suspension d'une décision administrative n'est pas remplie. Les conclusions de la requête tendant à la suspension de la décision du 18 juin 2024 de la commission dédiée de l'académie de Rennes ne peuvent, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition d'urgence, qu'être rejetées. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. La présente ordonnance n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A et M. D ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés aux litiges : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que Mme A et M. D demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de Mme A et M. D est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B A et M. E D et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copie de la présente ordonnance sera adressée pour information au recteur de l'académie de Rennes. Fait à Rennes, le 29 juillet 2024. La juge des référés, signé C. PellerinLa greffière, signé I. Le Vaillant
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