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Retrait d'agrément de policier municipal et référé suspension (article L. 521-1 CJA).



Tribunal administratif de Toulouse, 5 août 2024, 2404295


Vu la procédure suivante

 : Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 juillet 2024 et le 1er août 2024, M. A B, représenté par Me Laffourcade Mokkadem, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l'exécution de la décision du 12 avril 2024 par laquelle le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Foix lui a retiré son agrément de policier municipal ; 2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de l'Ariège a retiré son agrément de policier municipal et son autorisation de port d'armes ; 3°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 17 juin 2024 par lequel le maire de Mazères a prononcé sa radiation des cadres ; 4°) d'enjoindre à l'Etat de tirer les conséquences de la suspension de l'exécution des décisions du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Foix et du préfet de l'Ariège, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 5°) d'enjoindre à la commune de Mazères de tirer les conséquences de la suspension de l'exécution de la décision prononçant son licenciement en procédant à la réintégration juridique et physique immédiate ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Mazères, chacun en ce qui le concerne, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : -la décision de retrait d'agrément, qui le prive de son emploi de policier municipal et a donné lieu à sa radiation des cadres, implique la perte de sa qualité de fonctionnaire et, partant, la perte de toute ressource alors qu'il assume la charge de deux enfants ; en ce qui concerne la décision de retrait d'agrément du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Foix : - la décision est insuffisamment motivée ; - la décision de retrait d'agrément prise par le procureur a été prise sans consultation préalable du maire de Mazères en méconnaissance de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure ; - elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière puisqu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la mesure de retrait ; - elle est entachée d'une erreur de droit car le procureur de la République s'est cru en situation de compétence liée ; - la décision attaquée repose sur des faits inexacts ; - les faits reprochés ne sont pas de nature à justifier le retrait d'agrément ; en ce qui concerne la décision de retrait d'agrément du préfet de l'Ariège : - la décision est insuffisamment motivée ; - la décision attaquée repose sur des faits inexacts ; - les faits reprochés ne sont pas de nature à justifier le retrait d'agrément ; en ce qui concerne la décision de licenciement adoptée par le maire de Mazères : - la décision est insuffisamment motivée ; - la décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions de retrait d'agrément ; - le maire a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si l'intérêt du service permettait le reclassement. Par un mémoire en défense enregistré le 29 juillet 2024, la commune de Mazères, représentée par Me Sabatté, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la situation d'urgence n'est pas caractérisée car M. B percevra l'aide au retour à l'emploi s'il en fait la demande ; - aucun doute sérieux ne pèse sur la légalité de la décision du maire. Par un mémoire en défense enregistré le 1er août 2024, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la situation d'urgence n'est pas caractérisée ; - aucun doute sérieux ne pèse sur la légalité de sa décision. Par un mémoire en défense enregistré le 1er août 2024, le garde des sceaux conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la situation d'urgence n'est pas caractérisée ; - aucun doute sérieux ne pèse sur la légalité de sa décision.

Vu :

- les autres pièces du dossier ; - la requête enregistrée le 11 juin 2024 sous le n° 2403499 tendant à l'annulation de la décision contestée. Vu : - le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative. La présidente du tribunal a désigné M. Grimaud, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 2 août 2024 à 9 h 30 en présence de Mme Guérin, greffière d'audience : - le rapport de M. Grimaud, - les observations de Me Laffourcade Mokkadem, représentant M. B, - et les observations de Me Arslan El Yacoubi, substituant Me Sabatté, représentant la commune de Mazères. La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit

 : 1. M. B, brigadier-chef principal de police municipale employé par la commune de Mazères (Haute-Garonne), s'est vu retirer l'agrément délivré sur le fondement de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure par une décision du 12 avril 2024 édictée par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Foix. Par un arrêté du 24 mai 2024, le préfet de l'Ariège a également retiré l'agrément accordé à M. B, ainsi que l'autorisation de port d'armes dont il était titulaire. Enfin, par un arrêté du 17 juin 2024, le maire de Mazères, constatant la perte de l'agrément de l'intéressé, l'a radié des effectifs de la commune.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En ce qui concerne l'urgence :

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

4. Il résulte de l'instruction que les décisions attaquées privent M. B de son emploi et de la possibilité d'occuper tout autre emploi de policier municipal dans une autre collectivité territoriale. Par ailleurs, elles ont pour effet direct ou indirect de le priver de la rémunération de l'ordre de 2 000 euros par mois qu'il percevait, laissant ainsi l'intéressé face à des charges familiales et de la vie courante de l'ordre de 4 000 euros alors que son épouse ne perçoit d'un salaire de l'ordre de 1 600 euros et que l'intéressé perçoit une pension militaire de l'ordre de 900 euros. Cette situation financière préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts de M. B, ce que ne suffit pas à compenser la perspective de percevoir l'allocation de retour à l'emploi, dont la perception est temporaire, dont le montant est indéterminé à ce jour et dont le versement ne peut pour l'instant lui être assuré faute pour la commune de Mazères de lui avoir délivré une attestation d'emploi conforme aux exigences du service public de l'emploi. Dès lors, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure : " Les fonctions d'agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les statuts particuliers prévus à l'article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (). / Ils sont nommés par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République, puis assermentés. Cet agrément et cette assermentation restent valables tant qu'ils continuent d'exercer des fonctions d'agents de police municipale. En cas de recrutement par une commune ou un établissement de coopération intercommunale situé sur le ressort d'un autre tribunal judiciaire, les procureurs de la République compétents au titre de l'ancien et du nouveau lieu d'exercice des fonctions sont avisés sans délai. / L'agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l'Etat ou le procureur de la République après consultation du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale. Toutefois, en cas d'urgence, l'agrément peut être suspendu par le procureur de la République sans qu'il soit procédé à cette consultation ". S'agissant de la décision du procureur de la République de Foix du 12 avril 2024 :

6. Les moyens tirés de ce que la décision de retrait d'agrément prise par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Foix a été prise sans consultation préalable du maire de Mazères en méconnaissance de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, de ce qu'elle est intervenue sans que M. B ait été mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette mesure de retrait et de ce que les faits reprochés ne sont pas de nature à justifier le retrait d'agrément sont, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. S'agissant de l'arrêté du préfet de l'Ariège du 24 mai 2024 :

7. Le moyen tiré de ce que la décision de retrait d'agrément prise par le préfet de l'Ariège repose sur des faits qui ne sont pas de nature à justifier le retrait d'agrément est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. S'agissant de l'arrêté du maire de Mazères en date du 17 juin 2024 :

8. Les moyens tirés de ce que l'arrêté de radiation des cadres adopté par le maire de Mazères repose sur des décisions de retrait d'agrément illégales adoptées par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Foix et le préfet de l'Ariège est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B est fondé à demander la suspension de la décision du procureur de la République de Foix du 12 avril 2024, de l'arrêté du préfet de l'Ariège du 24 mai 2024 et de l'arrêté du maire de Mazères en date du 17 juin 2024.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. La suspension de l'exécution des décisions attaquées implique nécessairement que le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Foix et le préfet de l'Ariège délivrent à M. B un agrément provisoire en vue de l'exercice des fonctions de policier municipal et que le maire de Mazères procède à sa réintégration dans les effectifs de la commune, également à titre provisoire. Il est enjoint à ces autorités d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu'il y ait lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de la décision du procureur de la République de Foix du 12 avril 2024, de l'arrêté du préfet de l'Ariège du 24 mai 2024 et de l'arrêté du maire de Mazères en date du 17 juin 2024 est suspendue. Article 2 : Il est enjoint au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Foix et au préfet de l'Ariège de délivrer à M. B un agrément provisoire en vue de l'exercice des fonctions de policier municipal dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Article 3 : Il est enjoint au maire de Mazères de procéder à la réintégration de M. B dans les effectifs de la commune à titre provisoire dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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