Tribunal administratif de Marseille, 8ème Chambre, 10 avril 2024, 2107587
Vu la procédure suivante
: Par une requête, enregistrée le 27 août 2021, M. A B, représenté par Me Camerlo, demande au tribunal : 1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la Commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours du 21 avril 2021 tendant à l'annulation de la décision de la commission locale d'agrément et de contrôle Sud (CLAC Sud) du 19 février 2021 rejetant sa demande d'une autorisation préalable d'accès à la formation professionnelle aux métiers de la sécurité privée ; 2°) d'annuler la délibération de la CLAC sud du 19 février 2021 ; 3°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la délibération de la CLAC sud ; - les décisions querellées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors, notamment, que les faits qui lui sont reprochés sont anciens et qu'ils n'ont pas donné lieu à une condamnation pénale. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2022, le CNAPS conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gaspard-Truc, - et les conclusions de M. Garron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
: 1. M. B a sollicité le 20 novembre 2021 une autorisation préalable pour l'accès à une formation aux métiers de la sécurité privée. Sa demande ayant été rejetée par une décision de la CLAC Sud du CNAPS du 19 février 2021, il a formé le 21 avril 2021 un recours administratif préalable obligatoire, reçu par l'administration le 23 avril suivant. Ce dernier ayant été implicitement rejeté, M. B demande l'annulation de la décision du 19 février 2021 de la CLAC sud ainsi que la décision rejetant son recours administratif du 23 avril 2021. Sur l'étendue du litige :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux ". Aux termes de l'article R. 633-9 du même code : " Le recours administratif préalable obligatoire devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle prévu à l'article L. 633-3 peut être exercé dans les deux mois de la notification, par la commission locale d'agrément et de contrôle, de la décision contestée. Cette notification précise les délais et les voies de ce recours. / Toute décision de la Commission nationale d'agrément et de contrôle se substitue à la décision initiale de la commission locale d'agrément et de contrôle. Une copie en est adressée à la commission locale d'agrément et de contrôle concernée ".
3. Il résulte de ces dispositions que le recours administratif auprès de la CNAC prévu à l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure constitue un préalable obligatoire à la saisine du juge administratif. L'institution d'un tel recours a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin de fixer définitivement la position de l'administration. Dans ces conditions, la décision prise à la suite de ce recours administratif préalable obligatoire, qui se substitue nécessairement à la décision initiale, est seule susceptible d'être déférée au juge administratif. 4. D'autre part, lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et qu'une décision expresse de rejet est intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première.
5. Par une décision expresse du 2 septembre 2021, la CNAC a rejeté le recours administratif préalable obligatoire que le requérant avait introduit le 21 avril 2021. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les conclusions présentées par M. B tendant à l'annulation de la décision de la CLAC Sud en date du 19 février 2021 et de la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire du 21 avril 2021 doivent être regardées comme étant dirigées contre la décision de la CNAC du 2 septembre 2021. Sur les conclusions à fin d'annulation : 6. Aux termes de l'article L. 612-22 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable au litige : " L'accès à une formation en vue d'acquérir l'aptitude professionnelle est soumis à la délivrance d'une autorisation préalable, fondée sur le respect des conditions fixées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 612-20 ". Aux termes de l'article L. 612-20 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 :/1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ;/2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées () ".
7. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle est saisie d'une demande d'accès à une formation aux métiers de la sécurité privée, l'autorité administrative compétente procède à une enquête administrative. Cette enquête, qui peut notamment donner lieu à la consultation du traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article R. 40-23 du code de procédure pénale, vise à déterminer si le comportement ou les agissements de l'intéressé sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat, et s'ils sont ou non compatibles avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité. Pour ce faire, l'autorité administrative procède, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à une appréciation globale de l'ensemble des éléments dont elle dispose. A ce titre, si la question de l'existence de poursuites ou de sanctions pénales est indifférente, l'autorité administrative est en revanche amenée à prendre en considération, notamment, les circonstances dans lesquelles ont été commis les faits qui peuvent être reprochés au pétitionnaire ainsi que la date de leur commission.
8. Pour refuser à M. B la délivrance d'une autorisation préalable d'accès à la formation professionnelle aux métiers de la sécurité privée sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 612-20 et L. 612-22 du code de la sécurité intérieure, la CNAC s'est fondée sur sa condamnation le 25 février 2014 par le tribunal correctionnel de Tarascon pour des " faits de vol par effraction " commis le 31 janvier 2014 à Arles et sur sa mise en cause le 22 janvier 2014 pour des faits de port prohibé d'arme, de munition ou de leurs éléments de catégorie 1 ou 4 commis le 10 décembre 2013 à Marseille. Toutefois, il ressort du jugement du tribunal correctionnel précité que M. B a été condamné à un emprisonnement délictuel de trois mois assorti d'un sursis total pour s'être introduit au domicile d'une commerçante d'Arles en escaladant le mur de clôture, et non pour des faits de vol par effraction. Quant aux faits de port d'armes sans autorisation, il ressort des pièces du dossier que le requérant a reconnu, lors d'un contrôle routier réalisé le 10 décembre 2013, être en possession dans son véhicule d'un bâton de défense et d'un couteau à cran d'arrêt. Il n'est toutefois ni établi ni même allégué qu'il aurait fait usage des armes trouvées en sa possession. D'une part, les faits les plus récents relevés par la CNAC sont antérieurs de plus de sept ans à la décision du 2 septembre 2021 attaquée. D'autre part, il n'est ni établi ni même allégué que M. B se soit rendu coupable d'un comportement ou agissement contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat depuis sa dernière condamnation. Enfin, M. B, qui souhaite s'engager dans un parcours de formation aux métiers de la sécurité, produit une attestation du 12 avril 2021 émanant de son employeur, alors qu'il exerçait les fonctions de magasinier à la métropole Aix-Marseille-Provence depuis février 2019, certifiant que l'intéressé est un agent très impliqué, assidu et d'une sociabilité exemplaire. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et en dépit de la gravité des faits commis par M. B, la CNAC a, dans les circonstances particulières de l'espèce, fait une inexacte application des dispositions du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure précitées en estimant que son comportement n'était pas compatible, à la date de sa décision, avec l'exercice d'une activité privée de sécurité.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. B est fondé à demander l'annulation de la décision du 2 septembre 2021 rejetant sa demande d'autorisation préalable d'accès à la formation professionnelle aux métiers de la sécurité privée. Sur les frais liés à l'instance : 10. Les conclusions présentées par M. B tendant à la mise à la charge de l'Etat de sommes au titre des frais du litige ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que seul le CNAPS, établissement public doté de la personnalité morale, pouvait supporter, le cas échéant, de tels frais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 2 septembre 2021 de la CNAC du CNAPS est annulée. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au Conseil national des activités privées de sécurité. Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient : Mme Jorda-Lecroq, présidente, Mme Gaspard-Truc, première conseillère, Mme Balussou, première conseillère, Assistées de Mme Faure, greffière. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024. La rapporteure, signé F. Gaspard-Truc La présidente, signé K. Jorda-Lecroq La greffière signé N. Faure La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, La greffière.
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