Contributions OFII et communication procès verbal
- remy PHILIPPOT
- 29 mai
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Dans cette affaire, le Tribunal administratif de Bordeaux fait enfin une interprétation logique de l'obligation d'information préalable de communication du Procès verbal en considérant que La phrase indiquant que : " si vous avez adressé une demande de communication du procès-verbal à l'adresse électronique plciir@ofii.fr, le délai de 15 jours court à compter de la réception de ce document ", ne peut être regardée comme satisfaisant à l'obligation à laquelle était tenu l'OFII d'informer de façon claire et non ambigüe la société requérante de son droit à demander la communication de ce procès-verbal.
Cette absence d'information préalable ayant privé la société d'une garantie, cette dernière est fondée à soutenir que la décision du 4 octobre 2023 a été édictée au terme d'une procédure irrégulière et qu'elle est par suite entachée d'illégalité.
Tribunal administratif de Bordeaux, 3ème Chambre, 17 avril 2025, 23065012306501
Texte intégral
Vu la procédure suivante
: Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 novembre 2023 et le 7 mars 2024, la Société par actions simplifiée KAMBOH, représentée par Me Landete, demande au tribunal : 1°) d'annuler la décision du 4 octobre 2023 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme totale de 111 809 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8251-1a> du code du travailil et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue aux articles L. 822-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'emploi irrégulier de deux ressortissants étrangers. 2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1a> du codede de justice administrative. Elle soutient que : - la décision attaquée est entachée de l'incompétence du signataire de l'acte ; - le principe du contradictoire n'a pas été respecté par l'OFII ; - la décision attaquée est insuffisamment motivée ; - l'OFII a commis une erreur de fait et une erreur de droit en lui infligeant la sanction. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2024 le directeur général de l'OFII conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé. Vu la décision attaquée et les autres pièces du dossier.
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code du travail ; - le décret n° 2020-1598 du 16 décembre 2020 portant relèvement du salaire minimum de croissance ; - l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Benzaïd, première conseillère. - les conclusions de M. Willem, rapporteur public. - Les observations de Me Vignal, substituant Me Landete, représentant la société Kamboh.
: 1. Le 16 août 2021, les services de police ont procédé au contrôle d'un chantier de construction, Domofrance - Terre Sud situé à Bègles, de la société Kamboh, dirigée par M. C. Lors de ce contrôle, les services de police ont constaté l'emploi irrégulier de deux ressortissants étrangers, M. B A de nationalité afghane et M. E de nationalité pakistanaise. Le procès-verbal d'infraction a été transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision du 4 octobre 2023, notifiée le 9 octobre 2023, l'OFII a adressé à la société Kamboh sa décision de lui appliquer la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 109 500 euros et la contribution forfaitaire mentionnée aux articles L. 822-2 à L. 822-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 309 euros. La société Kamboh demande l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1a> du code du travailil : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être () majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger sans titre. ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du même code : " Le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ou le fonctionnaire assimilé indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-6 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 et notifie sa décision à l'employeur ainsi que le titre de recouvrement ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui () 2° Infligent une sanction ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix ". Aux termes de l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui peuvent être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui a occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquitte une contribution forfaitaire représentative des frais d'éloignement du territoire français de cet étranger ". Aux termes de l'article L. 626-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine () ". Aux termes de l'article R. 626-1 du même code : " I.- La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1a> du code du travailil, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. / II.- Le montant de cette contribution forfaitaire est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget, en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement vers la zone géographique de réacheminement du salarié, dans la limite prescrite à l'alinéa 2 de l'article L. 626-1 ". L'article 1er de l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine dispose que : " Le montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mise à la charge de l'employeur d'un étranger en situation irrégulière par l'article L. 626-1a> du codede de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est fixé en fonction des zones géographiques du pays dont est originaire l'étranger, conformément au tableau ci-après : ", tandis que le tableau annexé prévoit que le montant de la contribution s'élève à 2 309 euros s'agissant d'un étranger originaire d'Asie du Sud-Est ou du Moyen-Orient. 3. Si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. Par suite, l'OFII est tenu d'informer l'intéressé de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés.
4. Il résulte de l'instruction que le courrier du 28 juillet 2023 envoyé avec accusé de réception à l'adresse figurant au registre du commerce et des sociétés, par lequel le directeur général de l'OFII a avisé la société Kamboh de son intention de mettre à sa charge une contribution spéciale, en application de l'article L. 8253-1 du code du travail, et une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1a> du codede de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne précisait pas que la société avait la possibilité de solliciter la communication du procès-verbal sur lequel l'OFII envisageait de se fonder pour prononcer ces sanctions.
La phrase indiquant que : " si vous avez adressé une demande de communication du procès-verbal à l'adresse électronique plciir@ofii.fr, le délai de 15 jours court à compter de la réception de ce document ", ne peut être regardée comme satisfaisant à l'obligation à laquelle était tenu l'OFII d'informer de façon claire et non ambigüe la société requérante de son droit à demander la communication de ce procès-verbal.
Cette absence d'information préalable ayant privé la société d'une garantie, cette dernière est fondée à soutenir que la décision du 4 octobre 2023 a été édictée au terme d'une procédure irrégulière et qu'elle est par suite entachée d'illégalité.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la décision du 4 octobre 2023 par laquelle le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société requérante la somme totale de 111 809 euros au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire pour l'emploi irrégulier de deux ressortissants étrangers doit être annulée. Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance : 6. Aux termes de l'article L. 761-1a> du codede de justice administrative, " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 7. L'OFII étant la partie perdante dans la présente instance, il y a lieu de faire application de l'article L. 761-1a> du codede de justice administrative et de mettre à sa charge le versement à la société Kamboh de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 1er : La décision du directeur général de l'OFII du 4 octobre 2023 est annulée. Article 2 : L'OFII versera à la société Kamboh la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Kamboh et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient : M. Ferrari, président, Mmes D et Benzaïd, premières conseillères. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025. La rapporteure, K. BENZAID Le président, D. FERRARI Le greffier Y. JAMEAU La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier,
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