Tribunal administratif de Lille, 1ère Chambre, 17 mai 2024, 1910612
Vu la procédure suivante
: Par une ordonnance n° 1902764 du 12 décembre 2019, enregistrée au greffe le 17 décembre 2019, le vice-président du tribunal administratif de Caen a transmis au tribunal la requête présentée par la SARL Berlio et M. B C. Par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Caen le 3 décembre 2019, un mémoire et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 27 avril 2020 et 20 novembre 2020, la SARL Berlio et M. B C, représentés par Mes Croix et Langlais, demandent au tribunal : 1°) d'annuler la décision n° 950/2019 du 4 octobre 2019, par laquelle le préfet de la région Normandie a sanctionné la SARL Berlio par l'attribution de sept points de pénalité en sa qualité de détenteur de la licence de pêche européenne du navire de pêche " Berlio " et par la suspension de la licence de pêche européenne pour ce navire, pour une durée de 14 jours, du lundi 2 décembre 2019 au dimanche 15 décembre 2019 inclus ; 2°) d'annuler la décision n° 951/2019 du 4 octobre 2019, par laquelle le préfet de la région Normandie a sanctionné M. C par l'attribution de sept points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire de pêche " Berlio " ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - les décisions contestées ont été prise en méconnaissance de la procédure préalable contradictoire ; - l'infraction retenue au titre du manquement aux obligations déclaratives ne peut recevoir la qualification d'infraction grave au sens de l'article 92 du règlement (CE) n° 1224/2009 dès lors qu'il s'agit d'une simple erreur de pesée sans incidence sur l'environnement ; - elle ne peut être légalement imputée à l'armateur et au mécanicien dès lors que les obligations de déclaration ne pèsent que sur le capitaine du navire, conformément aux dispositions de l'article 14 du même règlement communautaire ; - la matérialité de l'infraction d'entrave au contrôle n'est pas établie ; - cette infraction ne peut légalement être imputée à la SARL Berlio, personne morale ; - elle ne peut, sans méconnaître l'article 92 du règlement (CE) n° 1224/2009 et l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime, donner lieu à l'attribution de points de pénalité à M. B C dès lors qu'il n'exerçait pas les fonctions de capitaine du navire lors du contrôle ; - la suspension de la licence de pêche, qui constitue un document distinct de l'autorisation de pêche, n'est, en application des articles 6 et 92 du règlement (CE) n° 1224/2009, possible que comme conséquence d'une autre mesure de sanction et ne peut légalement être adoptée à titre de sanction autonome ; - l'autorité administrative ne pouvait pas prendre à titre de sanction immédiate une décision suspendant la licence de pêche en application des dispositions de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime et des règlements (CE) n° 1224/2009, n° 1005/2008 et (UE) n° 404/2011 ; - les sanctions sont disproportionnées au regard de l'exigence de proportionnalité rappelée par l'article 44 du règlement (CE) n° 1005/2008 et eu égard aux pertes financières qu'elles ont entrainées. Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er avril et 29 décembre 2020, le préfet de la région Normandie conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 19 février 2021 par une ordonnance du 5 janvier 2021. Un mémoire a été produit le 26 mars 2024 pour les requérants. Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 modifié ; - le règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 modifié ; - le règlement d'exécution (UE) n° 404/2011 de la Commission du 8 avril 2011 modifié ; - le code rural et de la pêche maritime ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapporteur de Mme Leguin, présidente - rapporteure ; - et les conclusions de Mme Allart, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit
: 1. Le 26 novembre 2018, des agents de l'unité littorale des affaires maritimes du Calvados ont procédé au contrôle, dans le port de Port-en-Bessin, du navire dénommé " Berlio " dont l'armateur est la SARL Berlio. Ils ont alors relevé deux infractions consistant en un manquement aux obligations déclaratives nécessaires à la pêche maritime et une entrave au contrôle. Une procédure de sanction administrative a été engagée à l'encontre de la SARL Berlio et de M. B C, en sa qualité de capitaine du navire. Par deux décisions du 4 octobre 2019, le directeur interrégional de la mer Manche Est - mer du Nord a, d'une part, sanctionné la SARL par l'attribution de sept points de pénalité en sa qualité de détenteur de la licence de pêche européenne du navire de pêche " Berlio " et la suspension de la licence de pêche européenne pour ce navire, pour une durée de 14 jours du lundi 2 décembre 2019 au dimanche 15 décembre 2019 inclus, et, d'autre part, sanctionné M. C par l'attribution de sept points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire de pêche " Berlio ". Par la présente requête, la SARL Berlio et M. C demandent l'annulation de ces deux décisions. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision n° 950/2019 portant attribution de sept points de pénalité à M. B C : 2. D'une part, aux termes de l'article 3 " Navires de pêche pratiquant la pêche INN " du règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée : " 1. Un navire de pêche est présumé pratiquer la pêche INN s'il est démontré qu'il a, en violation des mesures de conservation et de gestion applicables dans la zone d'exercice de ces activités : () b) manqué à ses obligations d'enregistrement et de déclaration des données de capture ou des données connexes, y compris les données à transmettre par système de surveillance des navires par satellite ou les notifications préalables au titre de l'article 6 () h) entravé la mission des agents dans l'exercice de leur mission d'inspection du respect des mesures de conservation et de gestion applicables ou celle des observateurs dans l'exercice de leur mission d'observation du respect des règles communautaires applicables ; () ". Aux termes de l'article 42 " Infractions graves " de ce règlement : " 1. Aux fins du présent règlement, on entend par infractions graves : a) les activités considérées comme de la pêche INN conformément aux critères établis à l'article 3 () / 2. La gravité de l'infraction est déterminée par l'autorité compétente d'un Etat membre en tenant compte des critères énoncés à l'article 3, paragraphe 2. ". Aux termes de l'article 92 " Système de points pour les infractions graves " du règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche : " 1. Les États membres appliquent un système de points pour les infractions graves visées à l'article 42, paragraphe 1, point a), du règlement (CE) n° 1005/2008 sur la base duquel le titulaire d'une licence de pêche se voit attribuer le nombre de points approprié s'il commet une infraction aux règles de la politique commune de la pêche () 6. Les États membres appliquent également un système de points sur la base duquel le capitaine d'un navire se voit attribuer le nombre de points approprié s'il commet une infraction grave aux règles de la politique commune de la pêche. ". Ces règlements communautaires sont d'application directe en droit interne.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime : " Indépendamment des sanctions pénales qui peuvent être prononcées et sous réserve de l'article L. 946-2, les manquements à la réglementation prévue par les dispositions du présent livre, les règlements de l'Union européenne pris au titre de la politique commune de la pêche et les textes pris pour leur application, y compris les manquements aux obligations déclaratives et de surveillance par satellite qu'ils prévoient, et par les engagements internationaux de la France peuvent donner lieu à l'application par l'autorité administrative d'une ou plusieurs des sanctions suivantes : () 3° L'attribution au titulaire de licence de pêche ou au capitaine du navire de points dans les conditions prévues à l'article 92 du règlement (CE) n° 1224 / 2009 du 20 novembre 2009 et l'inscription au registre national des infractions à la pêche maritime () ".
4. Il ressort de l'ensemble de ces dispositions qu'en cas d'infractions graves, dont font partie les manquements aux obligations déclaratives et l'entrave au contrôle, l'autorité administrative peut décider d'attribuer, à titre de sanction, des points de pénalité au capitaine du navire, à l'exclusion de tout autre membre d'équipage.
5. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rôle produit par les requérants, que, le jour du contrôle, le capitaine déclaré du navire Berlio était M. A C et que M. B C occupait la fonction de mécanicien. Si le préfet fait valoir que M. B C s'est improprement présenté aux agents chargés du contrôle comme étant le capitaine, cette circonstance est sans incidence sur sa qualité et il appartenait à ces agents de vérifier si le rôle du navire corroborait ses déclarations. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir qu'en attribuant des points de pénalité à M. B C, le directeur interrégional de la mer Manche Est - mer du Nord a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que la décision n° 950/2019 du 4 octobre 2019 doit être annulée. En ce qui concerne la décision n° 951/2019 portant suspension de la licence européenne de pêche européenne et attribution de sept points de pénalité à la SARL Berlio :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 946-5 du code rural et de la pêche maritime : " Les intéressés sont avisés au préalable des faits relevés à leur encontre, des dispositions qu'ils ont enfreintes et des sanctions qu'ils encourent. L'autorité compétente leur fait connaître le délai dont ils disposent pour faire valoir leurs observations écrites et, le cas échéant, les modalités s'ils en font la demande selon lesquelles ils peuvent être entendus. Elle les informe de leur droit à être assisté du conseil de leur choix. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la SARL Berlio a été destinataire, le 16 mars 2019, d'un courrier daté du 19 février 2019 émanant de la direction départementale des territoires et de la mer du Calvados l'informant des infractions relevées à son encontre et des sanctions qu'elle encourait, et lui indiquant qu'elle disposait d'un délai de quinze jours à compter de la notification de ce courrier pour faire valoir ses observations, soit par écrit, soit en demandant à être entendue, accompagnée, le cas échéant, du conseil de son choix. Par suite, le moyen tiré de l'absence de respect du contradictoire doit être écarté.
9. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'application combinée des dispositions des articles 3 et 42 du règlement (CE) n° 1005/2008 conduit à ce qu'un manquement aux obligations déclaratives reçoive la qualification d'infraction grave. Cette qualification est reprise à l'article R. 946-5 du code rural et de la pêche maritime. Contrairement à ce que soutiennent la SARL Berlio et M. C, la différence de 291 kilogrammes, soit 24,87 %, entre la pêche déclarée et la pêche effectivement constatée par les agents assermentés le jour du contrôle ne saurait recevoir le qualificatif de simple " erreur " de pesée. Par ailleurs, la qualification d'infraction grave n'est subordonnée ni à une évaluation de la valeur marchande de la pêche non déclarée ni à une évaluation du dommage ainsi causé à l'environnement. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le manquement aux obligations déclaratives ne pouvait légalement recevoir le qualificatif d'infraction grave.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la matérialité de l'infraction grave relative à l'entrave au contrôle est établie, les mentions du procès-verbal faisant foi jusqu'à preuve du contraire.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 44 " Sanctions en cas d'infractions graves " du règlement (CE) n° 1005/2008 : " 1. Les États membres veillent à ce que les personnes physiques ayant commis une infraction grave ou les personnes morales reconnues responsables d'une telle infraction fassent l'objet de sanctions administratives efficaces, proportionnées et dissuasives. () " et aux termes de l'article 47 " Responsabilité des personnes morales " de ce règlement : " 1. Les personnes morales sont tenues pour responsables d'infractions graves lorsque celles-ci sont commises à leur profit par toute personne physique agissant soit individuellement, soit en tant que membre d'un organe de la personne morale, qui exerce un pouvoir déterminant en son sein, sur l'une des bases suivantes : / a) un pouvoir de représentation de la personne morale ; ou / b) une pouvoir de prendre des décisions au nom de la personne morale ; ou / c) un pouvoir d'exercer un contrôle au sein de la personne morale. / 2. Une personne morale peut être tenue pour responsable lorsqu'un défaut de surveillance ou de contrôle imputable à une personne physique visée au paragraphe 1 a permis que l'infraction grave soit commise au profit de ladite personne morale par une personne physique placée sous son autorité. / 3. La responsabilité de la personne morale n'exclut pas les poursuites à l'encontre des personnes physiques auteurs, instigatrices ou complices des infractions concernées. ". Aux termes de l'article 85 " Poursuites " du règlement (CE) n° 1124/2009 : " Sans préjudice de l'article 83, paragraphe 2, et de l'article 86, lorsqu'elles découvrent une infraction aux règles de la politique commune de la pêche pendant ou après une inspection, les autorités compétentes de l'État membre qui effectue l'inspection prennent les mesures appropriées, conformément au titre VIII, à l'encontre du capitaine du navire en cause ou de toute autre personne morale ou physique responsable de l'infraction. " et aux termes de l'article 90 " Sanctions en cas d'infractions graves " de ce règlement : " () 2. Les États membres veillent à ce que les personnes physiques ayant commis une infraction grave ou les personnes morales reconnues responsables d'une telle infraction fassent l'objet de sanctions administratives effectives, proportionnées et dissuasives conformément aux diverses sanctions et mesures prévues au chapitre IX du règlement (CE) no 1005/2008. () ".
12. Contrairement à ce qui est soutenu, il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le préfet pouvait régulièrement imputer les infractions graves en litige à la SARL Berlio, personne morale, dès lors que les infractions poursuivies ont été commises à son profit.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 2 " Définitions " du règlement (CE) n° 1005/2008 : " Aux fins du présent règlement, on entend par : () " autorisation de pêche ", le droit de mener des activités de pêche pendant une période donnée, dans une zone donnée ou dans une pêcherie donnée () ". Aux termes de l'article 43 " Mesures exécutoires immédiates " du même règlement : " 1. Lorsqu'une personne physique est suspectée ou prise en flagrant délit d'infraction grave ou lorsqu'une personne morale est suspectée d'être responsable d'une telle infraction, les États membres ouvrent une enquête en bonne et due forme sur l'infraction en question et, conformément à leur droit national et en fonction de la gravité de l'infraction, prennent des mesures exécutoires immédiates comme : () g) la suspension de l'autorisation de pêche. () ". Et selon l'article 45 " Sanctions accessoires " de ce règlement : " Les sanctions prévues au présent chapitre peuvent être assorties d'autres sanctions ou mesures, et notamment : () la suspension ou le retrait de l'autorisation de pêche () ".
14. Aux termes de l'article 4 " Définitions " du règlement (CE) n° 1224/2009 : " Les définitions du règlement (CE) no 2371/2002 s'appliquent aux fins du présent règlement. Les définitions ci-après s'appliquent également. On entend par : () 9) " licence de pêche ", un document officiel conférant à son détenteur le droit, défini par les règles nationales, d'utiliser une certaine capacité de pêche pour l'exploitation commerciale des ressources aquatiques vivantes. Elle contient les informations minimales relatives à l'identification, aux caractéristiques techniques et à l'armement d'un navire de pêche communautaire ; 10) " autorisation de pêche ", une autorisation de pêche délivrée à un navire de pêche communautaire en plus de sa licence de pêche et lui conférant le droit d'exercer des activités de pêche spécifiques pendant une période déterminée, dans une zone déterminée ou pour une pêcherie déterminée, sous certaines conditions () ". Selon les termes de l'article 6 " Licence de pêche " de ce même règlement : " 1. Un navire de pêche communautaire ne peut être utilisé pour l'exploitation commerciale des ressources aquatiques vivantes que s'il détient une licence de pêche valable. () 3. L'État membre du pavillon suspend temporairement la licence de pêche de tout navire qui fait l'objet d'une immobilisation temporaire décidée par cet État membre ou dont l'autorisation de pêche a été suspendue conformément à l'article 45, point 4), du règlement (CE) n° 1005/2008 () ". Et selon l'article 7 " Autorisation de pêche " de ce règlement : " 1. Un navire de pêche communautaire opérant dans les eaux communautaires n'est autorisé à exercer des activités de pêche spécifiques que si celles-ci sont indiquées dans une autorisation de pêche valable (). 4. L'autorisation de pêche () est suspendue lorsque la licence de pêche a été suspendue temporairement () ". Enfin, l'article 92 " Système de points pour les infractions graves " dudit règlement précise que : " () 3. Lorsque le nombre total de points est égal ou supérieur à un certain nombre de points, la licence de pêche est automatiquement suspendue pour une période minimale de deux mois. Cette période est fixée à quatre mois si c'est la deuxième fois que la licence de pêche est suspendue, à huit mois si c'est la troisième fois que la licence de pêche est suspendue et à un an si c'est la quatrième fois que la licence de pêche est suspendue du fait que son titulaire a atteint un certain nombre de points. Si le titulaire atteint une cinquième fois ce nombre de points, la licence de pêche lui est retirée définitivement () ".
15. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, que l'autorité administrative est fondée, en cas d'infraction grave, à suspendre l'autorisation de pêche, qui est le droit de mener des activités de pêche pendant une période donnée, dans une zone donnée ou dans une pêcherie donnée, sur le fondement des dispositions du 4) de l'article 45 précité du règlement (CE) n° 1005/2008 et, d'autre part, que l'autorité administrative est fondée à prendre une mesure de suspension de la licence de pêche, soit au titre de l'article 6 du règlement (CE) n° 1224/2009 lorsque l'autorisation de pêche dont bénéficie le navire a été suspendue conformément à l'article 45, point 4), du règlement (CE) n° 1005/2008, soit au titre de l'article 92 du règlement (CE) n° 1224/2009 lorsque le nombre total de points au titre d'infractions constatées est égal ou supérieur à un certain nombre de points fixé règlementairement.
16. Il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse que le système de points prévu à l'article 92 du règlement (CE) n° 1224/2009 aurait servi de fondement, en l'espèce, à la suspension de la licence de pêche européenne détenue par la SARL Berlio. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision de suspension de la licence de pêche de la SARL Berlio aurait pu être prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article 6 du règlement (CE) n° 1224/2009, dès lors qu'aucune décision de suspension d'une autorisation de pêche au sens de l'article 2 du règlement (CE) n° 1005/2008 n'avait été prise précédemment ou concomitamment. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le préfet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées des règlements (CE) n° 1224/2009 et n° 1005/2008, prendre à l'encontre de la SARL Berlio une sanction de suspension de sa licence de pêche européenne.
17. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 946-5 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Constituent une " infraction grave " entrant dans la catégorie n° 1 mentionnée au troisième alinéa de l'article R. 946-4 et donnent lieu à l'attribution de trois points de pénalité lorsqu'ils sont commis dans une ou plusieurs des conditions définies au II : 1° Les manquements aux obligations déclaratives concernant le navire, ses déplacements, les opérations de pêche, les captures et les produits qui en sont issus, l'effort de pêche, le stockage, la transformation, le transbordement, le transfert ou le débarquement des captures et des produits de la pêche et de l'aquaculture marine () " et aux termes de l'article R. 946-14 du même code : " Constituent une " infraction grave " entrant dans la catégorie n° 10 mentionnée au troisième alinéa de l'article R. 946-4 et donnent lieu à l'attribution de sept points de pénalité : () / 4° Le fait de refuser ou d'entraver les contrôles et visites à bord des navires ou engins flottants ainsi qu'à l'intérieur des installations, des locaux et des véhicules à usage professionnel, effectués par les agents chargés de la police des pêches maritimes en application de l'article L. 941-1 ou par les agents mentionnés à l'article L. 942-1 () ". Par ailleurs, tant l'article 44 du règlement (CE) n° 1005/2008 que l'article 90 du règlement (CE) n° 1124/2009 insistent sur la nécessité du caractère dissuasif des sanctions prononcées en cas de commission d'une ou plusieurs infractions graves. 18. Les sanctions prononcées à l'encontre de la SARL Berlio pour les infractions graves constatées d'entrave à un contrôle et de manquements aux obligations déclaratives ne présentent pas un caractère disproportionné.
19. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à demander l'annulation de la décision n° 951/2019 du préfet de la région Normandie en tant qu'elle inflige à la SARL Berlio la sanction de suspension de sa licence de pêche européenne pour la période du 2 décembre au 15 décembre 2019 inclus. Sur les frais liés au litige : 20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Articler 1er : La décision n° 950/2019 du 4 octobre 2019 est annulée. Article 2 : La décision n° 951/2019 est annulée en tant qu'elle suspend la licence de pêche européenne de la SARL Berlio. Article 3 : Le surplus des conclusions à fin d'annulation présentées par la SARL Berlio et M. C est rejeté. Article 4 : L'Etat versera à la SARL Berlio et à M. C la somme totale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société à responsabilité limitée Berlio, à M. B C et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie en sera transmise pour information au préfet de la région Normandie. Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient : Mme Leguin, présidente, M. Borget, premier conseiller, Mme Piou, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2024. La présidente - rapporteure, Signé AM. LEGUIN Le magistrat (plus ancien dans l'ordre du tableau) Signé J. BORGET La greffière, Signé S. SING La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière,
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